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« L'ÉCHANGE PARCELLAIRE, PREMIÈRE ÉTAPE DE MA RESTRUCTURATION »

PHOTOS © THERRY PASQUET

GRÂCE AUX ÉCHANGES AVEC SON VOISIN, SÉBASTIEN DEBIEU A RÉORGANISÉ SON PARCELLAIRE, CE QUI LUI FACILITE LE TRAVAIL POUR CONDUIRE SEUL SON EXPLOITATION DE 580 000 L ET 139 HA.

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SÉBASTIEN DEBIEU S'EST INSTALLÉ EN DÉCEMBRE 2002 en Gaec avec son père Alexandre et sa mère Denise, salariée à mi-temps sur l'élevage. Jusqu'alors technicien développement au Gnis(1), il a l'opportunité de reprendre une exploitation de 204 000 l de quota et 36 ha, à 500 m de celle de ses parents. Les affaires se sont faites rapidement et le site familial n'était pas prêt à accueillir le deuxième troupeau. « À l'époque, mes parents avaient 350 000 l de quota sur 95 ha et un atelier de taurillons. Ils étaient en cours de mise aux normes. Pendant un an et demi, nous avons trait séparément », résume Sébastien.

Les deux troupeaux, comptant au total plus d'une centaine de vaches, n'ont été regroupés qu'au printemps 2004. Les associés du Gaec Alexander ont poursuivi avec la salle de traite des parents, une installation en épi 2 x 6 avec décrochage automatique, disposant d'une fosse pour les eaux blanches (600 m3) et d'une fosse à lisier (80 m3) sous le parc d'attente. « Les travaux de construction de la stabulation, un bâtiment de 90 places en aire paillée avec fumière couverte de 200 m2 e stockage de paille, n'avaient pas encore débuté. »

Le dossier installation classée et le permis de construire se sont retrouvés bloqués en raison d'un architecte indélicat. Sébastien n'y est pas allé par quatre chemins : prenant ses papiers sous le bras et son courage à deux mains, il a fait le tour des administrations pour obtenir les autorisations. Une démarche qui s'est avérée payante. « Les vaches sont entrées dans le bâtiment le 24 décembre 2004. Un soulagement ! », se souvient-il. L'ancienne stabulation (50 places en aire paillée) a été conservée pour les génisses et les taries ainsi que la nursery (37 places), accolée à la salle de traite. En face, le bâtiment des taurillons offre 45 places. Il se termine par une fumière de 400 m2.

« J'AI DÉNOMBRÉ 38 PARCELLES DE 3,65 HA CHACUNE »

Tous les animaux étaient enfin regroupés sur le même site. En revanche, il restait un gros point noir sur l'exploitation : le morcellement des parcelles. Les 139 ha se répartissent en deux blocs : l'un de 42 ha à Saint-Rémy-du-Plain, à 5 km du siège de l'exploitation, l'autre de 97 ha à Sens-de-Bretagne. Autant les parcelles à Saint-Rémy-du-Plain sont de bonne taille, autant celles à Sens-de-Bretagne sont petites et éparpillées de part et d'autre de la route communale. « J'ai dénombré pas moins de 38 parcelles avec une moyenne de 3,65 ha chacune. »

À Sens-de-Bretagne, il n'y a pas eu de remembrement. Et comme dans beaucoup de communes, au fil du temps, des héritages et des regroupements, le parcellaire des exploitations s'est de plus en plus dispersé, générant de nombreuses contraintes. C'était particulièrement vrai pour le Gaec Alexander.

« LE SOUTIEN DE LA MUNICIPALITÉ A ÉTÉ ESSENTIEL »

« Nous ne possédions que 27 ha accessibles pour les vaches auprès de la stabulation. Pour aller aux champs, le troupeau devait passer dans le hameau comprenant sept habitations et longer la route sur 800 m, raconte l'éleveur. Nous devions être au minimum deux pour barrer la route avec des ficelles. Il fallait également emmener de l'eau dans les pâtures. »

Un beau jour, Sébastien se décide à parler d'échanges parcellaires avec son voisin Didier. Les exploitations étaient imbriquées l'une dans l'autre. « J'avais 5 ha de terres au milieu de son parcellaire auprès de sa stabulation. » Les deux éleveurs sont allés voir le maire de la commune pour demander une intervention à l'échelon communal, en lien avec la chambre d'agriculture, après avoir entendu parler d'une opération similaire à Bain-de-Bretagne. « Le soutien de la municipalité a été essentiel pour le bon déroulement des opérations », estime-t-il. Cela a donné un cadre formel, ce qui a rassuré les quelques propriétaires encore réticents.

Sébastien a échangé 12,43 ha avec Didier. Il dispose désormais de 35 ha accessibles auprès de la stabulation. Au total, il a ramené pas moins de 76 ha à proximité immédiate du site d'élevage sans avoir besoin de traverser une route.

Les échanges ont été réalisés en jouissance, et non en propriété pour ne pas complexifier les choses. Les exploitants ont prévenu leurs propriétaires respectifs par lettre recommandée avec accusé de réception, comme cela est autorisé par le code rural (article L. 411- 39). En novembre 2009, ils ont formalisé l'échange en signant une convention d'un an renouvelable automatiquement.

Tous les jours, Sébastien mesure les avantages de cet échange parcellaire et encore plus depuis fin décembre, date à laquelle son père est parti à la retraite. « Pouvoir manipuler seul le troupeau donne un véritable confort, apprécie-t-il. Le matin après la traite, je n'ai qu'à ouvrir la barrière pour laisser les bêtes aller au champ. En fin d'après-midi, je n'ai pas besoin de rentrer pour passer les vaches avec la salariée, qui est présente tous les soirs pour la traite. » Les associés ont réalisé un chemin en terre qui dessert l'ensemble des parcelles attenantes en longeant le talus. Les pâtures sont alimentées par un réseau d'eau enterré long de 800 m.

« JE MAÎTRISE MIEUX LA RATION »

Sébastien a désormais 0,46 are accessible par vache, ce qui permet d'augmenter le pâturage. « J'ai un système très intensif mais je me suisaperçu qu'inconsciemment, j'extensifie puisqu'il y a beaucoup moins de contraintes. » Le chargement est passé de 2 à 1,5 UGB/ha. « Je fais plus de paddocks. J'exploite mieux mon herbe car je tourne plus vite. Je produis plus de lait avec de l'herbe. » Néanmoins, les terres sont séchantes et la production d'herbe n'est possible que deux à trois mois au printemps (mi-mars à mi-juin). Le silo reste ouvert toute l'année en raison de la présence des taurillons, mais aussi pour tenir la production à 9 200 kg.

« J'AI OBTENU DE TRÈS BONS RÉSULTATS AVEC LE TRÈFLE »

Au printemps, outre le pâturage, les vaches consomment 7 kg de matière sèche d'ensilage de maïs, 1,5 kg de correcteur azoté (70/30) et 1 kg d'orge. Depuis un an, Sébastien essaie de résoudre les problèmes d'acidose, fréquents lors des transitions alimentaires en incorporant du trèfle dans la ration. L'an dernier, il a semé 10 ha de trèfle incarnat en dérobée devant le maïs. Il l'a fauché en brins entiers avec sa faucheuse au printemps et l'entrepreneur l'a récolté à l'autochargeuse. Fin juin, la ration se compose de 10-12 kg de maïs, 4 kg de trèfle, 2,8 kg de correcteur et 1 kg d'orge, en plus de l'herbe pâturée. « J'ai eu de très bons résultats tout l'été. Les vaches ruminent ! »

L'été dernier, il a implanté 3 ha de trèfle violet récolté à l'automne en enrubannage. Cet hiver, les vaches reçoivent 4 à 5 kg d'enrubannage de trèfle, en plus de l'ensilage de maïs (12 kg) et 3,8 kg de colza tanné. « Je distribue l'enrubannage de trèfle en premier, puis je désile la ration car le trèfle est très appétent pour les vaches. » Le foin est donné à volonté, à raison d'une botte de 350 kg pour cinq jours.

Avant, pour résoudre les problèmes d'acidose, l'éleveur distribuait de la luzerne en bouchons, mais le coût n'est pas le même (1 200 €/mois). Aujourd'hui, son objectif est d'avoir du trèfle du 20 juin au 20 mars. « Grâce à cette plante, je mets 1,2 kg de correcteur azoté en moins dans la ration à 266 /t. Ce n'est pas négligeable. » Sébastien recherche avant tout une meilleure maîtrise de la ration et une plus grande autonomie en protéine. Le regroupement des surfaces à proximité de la stabulation permet également une meilleure surveillance des animaux. Désormais, les vaches taries restent dans un pré à côté du bâtiment. Avant, il ne les avait pas sous les yeux. « J'avais des soucis d'avortement car les vaches que je rentrais à leur terme avaient tendance à courir sur la route au retour, ou alors il fallait transporter tous les animaux en bétaillère. »

Au printemps, les génisses sont emmenées au pâturage sur le site repris par Sébastien à son installation, une vallée humide de 5 ha qui ne peut pas être cultivée. Il y transporte seul 25 à 30 bêtes en bétaillère, car il dispose d'un parc bien équipé.

« J'AI GAGNÉ EN TEMPS DE TRAVAIL ET RÉDUIT MA CONSOMMATION DE FUEL »

L'incidence de l'échange est importante aussi sur les cultures. Cela lui permet une meilleure rotation et de meilleurs itinéraires culturaux. Jusqu'à présent, les parcelles à Saint-Rémy-du-Plain étaient réservées au blé et au maïs, et celles proches de la stabulation restaient en pâture. L'agriculteur travaille sur l'impact du trèfle dans l'alimentation et dans la rotation. En 2012, l'objectif est de doubler la surface de trèfle violet pour l'intégrer dans la rotation. Il va réduire sa surface de maïs et réaliser des économies d'engrais. En dix ans, il a diminué ses apports presque de moitié. La meilleure rotation des cultures va lui permettre aussi de mieux valoriser les déjections. La réduction des engrais minéraux est un axe sur lequel il travaille depuis son installation.

Et c'est sans compter le gain de temps et de fuel. « Il me faut 50 min pour le désherbage du maïs sur un îlot de 10 ha, contre 3 h 45 auparavant quand il était dispersé sur huit parcelles. Je n'arrêtais pas de plier et déplier les rampes de mon pulvérisateur de 27 m. » Les frais de récolte d'ensilage de maïs sont passés de 145 à 125 €/ha pour un chantier de 52 ha.

Au Gaec Alexander, les échanges parcellaires ont été la première étape de la restructuration de l'exploitation pour disposer d'un outil plus fonctionnel. Avec le départ récent de son père, une nouvelle phase s'enclenche pour le jeune agriculteur. Depuis fin décembre 2011, la main d'oeuvre disponible sur l'exploitation est passée de 2,5 à 1,5 UTH. Et même si son père lui donne encore un coup de main, toute la stratégie est menée en tenant compte de ce facteur limitant.

« J'ATTENDS 2014 POUR INVESTIR À NOUVEAU »

« Je dois trouver des solutions pour moderniser l'exploitation afin de réussir le défi de la conduire seul. » Dès 2014, les annuités d'emprunts se réduisent. Sébastien attend ce moment pour réinvestir. Il va commencer par mettre des logettes dans la stabulation en prévision de l'installation d'un robot de traite. Il réfléchit à l'adhésion à une Cuma automotrice pour l'alimentation des vaches laitières. De même, aujourd'hui, avec le regroupement parcellaire, Sébastien ne sera plus gêné pour déléguer certains travaux (chantier d'épandage) à la Cuma, chose qu'il n'aurait pas osé faire auparavant.

ISABELLE LEJAS

(1) Groupement national interprofessionnel des semences et plants

Grâce à l'échange parcellaire de 12,5 ha, Sébastien dispose de 76 ha près du site d'élevage sans avoir à traverser la route. Un chemin de terre, longeant le talus, dessert toutes les parcelles proches du siège d'exploitation.

La ration est distribuée avec une désileuse pailleuse recycleuse de 8 m3. L'enrubannage de trèfle est désilé avant le maïs, sinon le mélange se fait difficilement

Le silo reste ouvert toute l'année. Les rendements en maïs sont variables, notamment sur la partie plus sèchante. La moyenne est de de 13,5 t de matière sèche par hectare.

En contrebas du bâtiment des taurillons, l'élevage dispose d'une fumière de 400 m2. Le fumier permet de fertiliser près de 15 ha de maïs.

Le trèfle violet a été semé sur 3 ha le 20 juillet. La surface va être doublée l'été prochain pour l'intégrer dans la rotation à raison de 6 ha tous les deux ans.

La stabulation est paillée tous les jours, à raison de 6 kg de paille par vache. Elle est vidée tous les quinze jours. L'éleveur arrive ainsi à maîtriser le risque de mammite.

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